Faune sauvage et paysages dans les Alpes françaises : convoquer le réensauvagement pour penser les dynamiques socio-écologiques
Emmanuel Faure, sous la direction de Sandra Lavorel et Harold Levrel
À 14h dans la salle de conférences Écrins d’INRAE Grenoble (2 rue de la papeterie, Gières
Résumé
Depuis plusieurs décennies, l’expansion des ongulés et carnivores sauvages dans les Alpes françaises coïncide avec l’extension du couvert forestier sur des terrains dédiés au pastoralisme. En parallèle, l’émergence du « réensauvagement » (rewilding) au sein de la conservation interroge la gestion des socio-écosystèmes : cette trajectoire pourrait-elle être une opportunité pour la restauration d’écosystèmes à faible intervention humaine ?
Dans ma thèse, j’ai d’abord cartographié et quantifié plusieurs indicateurs de ce réensauvagement « passif » sur les Alpes françaises, en les croisant avec leurs prédicteurs climatiques et anthropiques par le biais de modèles statistiques multivariés. Nos résultats soulignent le rôle du changement climatique et des relations trophiques dans l’expansion de la faune sauvage en altitude, bien au-delà de celui de l’empreinte humaine, sur la période 1996- 2012.
J’ai ensuite concentré mon étude sur le massif préalpin des Bauges (73, 74), qui conjugue une abondance historique en ongulés sauvages avec la proximité de centres urbains et l’essor des activités de pleine nature. En dialogue avec le Parc naturel régional et l’Office français de la biodiversité, j’ai développé un cadre permettant de modéliser les interactions entre chamois et végétation à l’horizon 2050, en fonction de plusieurs scénarios déclinant leur perturbation par le tourisme et l’urbanisation, et les prélèvements végétaux (sylviculture, pastoralisme) comme animaux (chasse, prédation par le loup).
Dans un dernier chapitre, j’approfondis la dimension économique du réensauvagement en menant une revue systématique sur l’ensemble de la littérature scientifique associée (257 articles en anglais). Loin d’être négligeable, cette littérature se révèle en revanche extrêmement disparate sur la nature et la profondeur des analyses économiques du réensauvagement : je diagnostique les causes de ce traitement, et tire le bilan des pistes de recherche qui s’en dégagent.
Après avoir introduit ce travail par la mise en perspective des tenants historiques et conceptuels du réensauvagement, je m’appuie sur ces différents chapitres, complémentaires en approche et en échelle, pour discuter dans quelle mesure le concept peut s’appliquer aux trajectoires étudiées sur les Alpes françaises. Je conclus sur le rôle de l’action publique dans la coexistence entre faune sauvage, activités humaines et évolution des paysages de montagne.