Analyse micro-économique des mécanismes de subvention à la production d’électricité éolienne et solaire
Clément Leblanc, sous la direction de Laurent Lamy et Philippe Quirion
À 13h30 au CIRED
Résumé
Le déploiement des énergies renouvelables intermittentes est soutenu par les pouvoirs publics de nombreux pays, particulièrement en Europe, via des mécanismes de subvention à la production, souvent sous la forme de contrats de subventions accordés par appels d’offres. Ces mécanismes, et en particulier le design des contrats qui déterminent la subvention versée, varient dans le temps et suivant les juridictions : ils peuvent aller d’un tarif d’achat fixe à un système de primes de marché en passant par des systèmes plus complexes de compléments de rémunération. Ce choix a des conséquences sur les incitations transmises aux développeurs de centrales renouvelables, des conséquences sur le risque supporté par les investisseurs, et peut parfois ouvrir la voie à des comportements stratégiques nuisibles aux objectifs poursuivis par les pouvoirs publics. Cette thèse s’emploie à analyser ces conséquences à travers la modélisation microéconomique du comportement des firmes subventionnées pour développer des centrales solaires et éoliennes, en mobilisant des outils de théorie des contrats et de théorie des enchères. Des éléments de quantification sont apportés par la modélisation technico-économique du système électrique et de la production d’électricité éolienne et solaire en France.
Les choix de localisation des centrales ou les choix techniques (ex. : modèles des turbines éoliennes installées, orientation des panneaux solaires) dépendent notamment de la manière dont le revenu des firmes dépend (ou non) des prix des marchés de l’électricité. Si c’est le cas, comme avec un système de primes de marché mais pas avec des tarifs d’achat fixes, les firmes sont incitées à accorder une plus grande valeur aux projets susceptibles de produire au moment où l’électricité est la plus chère. Bien que significatif, le rôle de ces incitations est à mettre en regard des risques accrus que génère l’exposition aux prix de marché pour les firmes. Ces dernières exigeraient des primes de risques plus élevées en compensation au travers des appels d’offres. Des simulations présentées dans cette thèse montrent qu’en France, aujourd’hui, cette augmentation des primes de risques suite à l’adoption de primes de marché serait d’un ordre de grandeur supérieur aux gains de bien-être résultant des meilleures incitations fournies aux développeurs. Cependant, certains systèmes de complément de rémunération permettent de limiter le risque pour les firmes tout en améliorant les incitations qui leur sont fournies, à condition que ces systèmes soient bien conçus (ce qui n’est pas toujours le cas des systèmes en place en Europe aujourd’hui). La part croissante des énergies renouvelables intermittentes dans le mix électrique pourrait cependant modifier ces conclusions à plus long terme.
Bien que la limitation des risques pour les investisseurs apparaisse comme un enjeu majeur du design des contrats de subventions, cette thèse met également en évidence un écueil qui consisterait à vouloir assurer les investisseurs vis-à-vis du risque lié à la production de leurs projets (qui dépend notamment des conditions météorologiques) : il est montré que des contrats visant à assurer vis-à-vis de ce risque sont susceptibles d’induire des comportements stratégiques de la part des développeurs, qui entraineraient des surcoûts et/ou inefficacités dans le développement des renouvelables. Ce constat s’applique en particulier au mécanisme utilisé par la France pour l’éolien en mer au début des années 2010.