Impacts macroéconomiques d’une sobriété structurelle
Directeurs de thèse : Franck Lecocq et Julien Lefèvre
Résumé
Une sobriété tirant sa justification de considérations d’ordre moral ou philosophique existe depuis l’Antiquité. Comme réponse à la proximité des limites écologiques, elle revient aujourd’hui au cœur des réflexions sociopolitiques.
Imaginer qu’un grand nombre de ménages baissent leur consommation pose des questions sur la dynamique économique d’ensemble de la société. En effet, en tant que moteur essentiel de l’activité économique, la consommation stimule la production et crée des incitations pour l’innovation et l’investissement qui en retour permettent une augmentation de la croissance économique et du pouvoir d’achat pour les consommateurs. En apparence, briser ce cercle vertueux pourrait avoir des conséquences délétères: baisse de production et de profitabilité des entreprises entrainant une augmentation du chômage, baisse du pouvoir d’achat des consommateurs, baisse de la capacité d’innovation et de la compétitivité internationale, baisse des recettes fiscales et donc de la capacité d’investissement public, etc. Pour mettre en débat de manière informée la notion de sobriété, il est nécessaire de mieux comprendre ce que voudrait dire, d’un point de vue macroéconomique, une société dont tout ou partie de la population limiterait sa consommation en biens et services intensifs en émissions de gaz à effet de serre. C’est l’objectif général de cette thèse.
Pourtant, une transition systémique vers plus de sobriété ne peut se réduire à une simple baisse de consommation. Que ce soient la nature des biens consommés, la structure des systèmes de production (emplois ou qualifications par exemple), la nature des investissements publics ou des échanges internationaux, tous sont de nature à évoluer parallèlement à la baisse sélective de consommation. Dit autrement, les conséquences macroéconomiques d’une sobriété à grande échelle ne devraient pas être évaluées toutes choses égales par ailleurs, mais au contraire en tenant compte des changements structurels – tant dans la structure de la consommation que dans la structure de production – qu’elle est susceptible d’induire. Des changements dans la qualité des produits, des transformations d’usages de ceux- ci ou des reports vers d’autres biens de consommation sont autant de mécanismes susceptibles d’accompagner une baisse de consommation dans une société systémiquement plus sobre.
L’ambition et la valeur ajoutée scientifique de ce travail doctoral sont précisément de compléter l’analyse macroéconomique de la sobriété en y intégrant ses manifestations structurelles. Précisément, on visera sur la base d’une revue de littérature à lister de la manière la plus exhaustive possible ces manifestations structurelles, et à intégrer certaines d’elles dans l’analyse macroéconomique.
On visera pour chacune à répondre aux deux questions suivantes :
- Quels impacts macroéconomiques les manifestations structurelles d’une baisse de consommation sont- elles susceptibles d’avoir ?
- Ces changements structurels ont-ils des conséquences potentielles délétères (en termes d’emploi, de bien-être, d’inégalités, etc.), et si oui quels sont les leviers de politiques publiques pour y remédier ?
Une première partie analysera la construction historique de la notion de sobriété afin d’expliquer les ambiguïtés autour de sa définition et d’identifier les manifestations structurelles que se représentent les acteurs. Une deuxième partira s’attachera à comprendre les relations logiques entre baisse de la consommation, changement structurel associé, et impacts macroéconomiques et de proposer des observations et analyses qualitatives au moyen de modèles macroéconomiques réduits. Afin de dépasser l’analyse de dynamiques individuelles et stylisées permise par les modèles réduits, une dernière partie visera, sur la base d’une modélisation appliquée plus complexe, à capturer les dynamiques non linéaires et les rétroactions plus détaillées entre les différents éléments du système économique. Cette modélisation permettra par ailleurs d’intégrer les spécificités sectorielles et les différentes dimensions de la sobriété dans l’analyse et de proposer une analyse plus scénarisée des questions retenues en deuxième partie de mon travail.