Les risques macro-économiques de la transition écologique
Directeur de thèse : Frédéric Ghersi
Thèse CIFRE-SMASH
Résumé
La transition énergétique nécessaire à l’atténuation du changement climatique, envisagée à un rythme toujours plus soutenu du fait des difficultés d’enclenchement des transformations qu’elle nécessite, entraîne des risques croissants pour l’ensemble de l’économie. Elle suppose un changement structurel qui constitue un risque direct pour les industries les plus émettrices de carbone, non seulement de perte de revenu, mais aussi, étant donné son calendrier toujours plus resserré, de faillite. Ce risque se propage à l’ensemble de l’économie par le biais des marchés du crédit et des marchés financiers. Afin d’évaluer son ampleur, les acteurs économiques mobilisent des scénarios prospectifs décrivant des chemins de transition plausibles et la manière dont ils affectent les niveaux d’activité des différents secteurs productifs.
Cependant, l’état de l’art de la modélisation macroéconomique des transitions énergétiques ne permet pas une bonne représentation des contraintes de financement des économies, notamment parce que la majorité des modèles les plus en vue reposent sur une tradition néoclassique de représentation de marchés parfaits. L’investissement et le capital productif des secteurs sont ainsi modélisés de manière trop schématique, comme la conséquence de taux d’épargne exogènes pour le premier, et pour le second par la libre mobilisation d’une fraction d’une dotation agrégée disponible à un ‘prix de location’ unique. Des modélisations dites ‘Stock-Flux Cohérentes’ (SFC) proposent une représentation beaucoup plus pertinente des flux macro-financiers et de leurs dynamiques, mais n’abordent les questions de transition énergétique que depuis peu et n’ont pas encore rattrapé l’état de l’art en matière de description des systèmes techniques définissant les contraintes et potentialités des transitions.
Ce projet de thèse vise à combler l’écart ainsi défini entre meilleures pratiques de modélisation ‘hybride’ des systèmes techniques, et de modélisation SFC du système macro-financier. Il s’appuie sur l’exploitation du modèle prospectif multirégional KLEM-POLES développé en collaboration par le CIRED et ENERDATA. KLEM-POLES présente l’avantage de coupler un modèle macroéconomique simple à deux facteurs de production et deux secteurs, le modèle KLEM (Kapital, Labour, Energy, Materials), avec le modèle POLES, qui propose une représentation détaillée du système énergétique de 66 pays et régions couvrant le monde entier. C’est donc un modèle ‘hybride’ au sens où il réconcilie les points de vue de l’ingénieur (modèle POLES) et de l’économiste (modèle KLEM) dans la description des systèmes énergétiques. L’objectif du projet de thèse est d’étendre le modèle KLEM à la représentation des flux macro-financiers, dans l’esprit de la modélisation SFC. Cette extension suppose de désagréger ‘l’agent représentatif’ de chaque pays ou région décrit par le modèle, en six agents économiques : ménages, entreprises non financières, entreprises financières, administrations publiques, banques centrales, reste du monde, afin de permettre la représentation des positions financières de chacun de ces agents, la spécification de comportements d’épargne et d’investissement qui leur soient propres et la modélisation des flux financiers qui en découlent. Le modèle développé sera mis en œuvre pour l’exploration de scénarios de stress test visant à réévaluer la résilience des principales économies mondiales à différentes conditions de transition de leurs systèmes énergétiques et de ceux de leurs partenaires commerciaux, étant dûment prises en compte les conditions de financement de leurs activités.